29 janvier : St François de Sales, évêque, confesseur et docteur de l’Église

29 janvier : St François de Sales, évêque, confesseur et docteur de l’Église :

saint-françois de sales.jpg

armes-saint-francois-de-sales2

Mort à Lyon le 28 décembre 1622. Canonisé en 1665, fête en 1666, docteur en 1877.

Textes de la Messe

Messe ordinaire du Missel

die 29 ianuarii le 29 janvier
SANCTI FRANCISCI SALESII SAINT FRANÇOIS DE SALES
Ep., Conf. et Eccl. Doct. Evêque, Confesseur et Docteur de l’Église
III classis (ante CR 1960 : duplex) IIIème classe (avant 1960 : double)
Missa In médio, de Communi Doctorum, præter orationem sequentem : Messe In médio, du Commun des Docteurs, avec l’oraison suivante :
Oratio Collecte
Deus, qui ad animárum salútem beátum Francíscum Confessórem tuum atque Pontíficem ómnibus ómnia factum esse voluísti : concéde propítius ; ut caritátis tuæ dulcedine perfúsi, eius dirigéntibus mónitis ac suffragántibus méritis, ætérna gáudia consequámur. Dieu, pour le salut des âmes, vous avez voulu que le bienheureux François, votre Confesseur et Pontifie, se fît tout à tous : accordez-nous dans votre bonté que pénétrés de la douceur de votre amour, dirigés par ses enseignements et soutenus par ses mérites, nous obtenions les joies éternelles.

  saint-françois de sales2.jpg

Messe du supplément du Missel Pro aliquibus locis

Texte de la messe ‘Pro aliquibus Locis’ . C’est la messe propre au diocèse d’Annecy et dans l’Ordre de la Visitation.

die 29 ianuarii le 29 janvier
SANCTI FRANCISCI SALESII SAINT FRANÇOIS DE SALES
Ep., Conf. et Eccl. Doct. Evêque, Confesseur et Docteur de l’Église
Ant. ad Introitum. Eccli. 45, 8-9 Introït
Státuit ei testaméntum ætérnum, et dedit illi sacerdótium gentis : beatificávit illum in glória, et coronávit eum in vasis virtútis. Le Seigneur a conclu avec lui une alliance éternelle, il lui a confié le sacerdoce de son peuple, il l’a comblé de bonheur et de gloire, et il l’a paré des ornements de la vertu.
Ps 118, 103
Quam dúlcia fáucibus meis elóquia tua, super mel ori meo ! Que ta parole est douce à mon palais ! Plus que le miel à ma bouche.
V/.Glória Patri.
Oratio. Collecte
Deus, qui ad animárum salútem beátum Francíscum Confessórem tuum atque Pontíficem ómnibus ómnia factum esse voluísti : concéde propítius ; ut caritátis tuæ dulcedine perfúsi, eius dirigéntibus mónitis ac suffragántibus méritis, ætérna gáudia consequámur. Dieu, pour le salut des âmes, vous avez voulu que le bienheureux François, votre Confesseur et Pontifie, se fît tout à tous : accordez-nous dans votre bonté que pénétrés de la douceur de votre amour, dirigés par ses enseignements et soutenus par ses mérites, nous obtenions les joies éternelles.
Léctio Epístolæ beáti Pauli Apóstoli ad Ephésios Lecture de l’æpître de saint Paul aux Ephésiens
Ephes. 3, 7-21
Fratres : Factus sum miníster, secúndum donum grátiæ Dei, quæ data est mihi secúndum operatiónem virtútis eius. Mihi ómnium sanctórum mínimo data est grátía hæc, in gentibus evangelizáre investigábiles divítias Christi : et illumináre omnes, quæ sit dispensátio sacraménti abscónditi a sǽculis in Deo qui ómnia creávit : ut innotéscat principátibus et potestátibus in cæléstibus per Ecclésiam multifórmis sapientia Dei : secúndum præfinitíónem sæculórum quam fecit in Christo Iesu Dómino nostro, in quo habémus fidúciam et accéssum in confidéntia per fidem eius. Propter quod peto ne deficiátis in tribulatiónibus meis pro vobis, quæ est glória vestra. Huius rei grátia flecto genua mea ad Patrem Dómini nostri Iesu Christi, ex quo omnis patérnitas in cælis et in terra nominátur : ut det vobis secúndum divítias glóriæ suæ, virtúte corroborári per Spíritum eius in interiórem hóminem : Christum habitáre per fidem in córdibus vestris : in cáritáte radicáti et fundáti : ut possítis comprehéndere, cum ómnibus sanctis, quæ sit latitúdo, et longitúdo, et sublímitas, et profúndum : scire étiam supereminéntem sciéntiæ caritátem Christi, ut impleámini in omnem plenitúdinem Dei. Si autem qui potens est ómnia fácere superabundánter quam pétimus aut intellégimus, secúndum virtútem quæ operátur in nobis, ipsi glória in ecclésia, et in Christo Iesu, in omnes generatiónes sǽculi sæculórum. Amen. Frères : je suis devenu ministre par le don de la grâce que Dieu m’a accordée dans la force de sa puissance. Moi qui suis le dernier de tous les fidèles, j’ai reçu la grâce d’annoncer aux nations païennes la richesse insondable du Christ, et de mettre en lumière le contenu du mystère tenu caché depuis toujours en Dieu, 1e créateur de toutes choses ; ainsi, désormais, les forces invisibles elles-mêmes connaîtront, grâce à l’Église, les multiples aspects de la Sagesse de Dieu. C’est le projet éternel que Dieu a réalisé dans le Christ Jésus notre Seigneur. Et c’est notre foi au Christ qui nous donne l’audace d’accéder auprès de Dieu en toute confiance. Je vous supplie donc de ne pas perdre courage devant les épreuves que j’endure pour vous : elles sont votre gloire. C’est pourquoi je tombe à genoux devant le Père, qui est la source de toute paternité au ciel et sur la terre. Lui qui est si riche en gloire, qu’il vous donne la puissance par son Esprit, pour rendre fort l’homme intérieur. Que le Christ habite en vos coeurs par la foi ; restez enracinés dans l’amour, établis dans l’amour. Ainsi vous serez capables de comprendre avec tous les fidèles quelle est la largeur, la longueur, la hauteur, la profondeur… Vous connaîtrez l’amour du Christ qui surpasse tout ce qu’on peut connaître. Alors vous serez comblés jusqu’à entrer dans la plénitude de Dieu. Gloire à celui qui a le pouvoir de réaliser en nous par sa puissance infiniment plus que nous ne pouvons demander ou même imaginer, gloire à lui dans l’Église et dans le Christ Jésus pour toutes les générations dans les siècles des siècles. Amen.
Graduale. Eccli. 33, 18-19 Graduel
Respícite quóniam non mihi soli laborávi, sed ómnibus exquiréntibus disciplínam. Reconnaissez que je n’ai pas travaillé pour moi seul, mais pour tous ceux qui cherchent l’instruction.
V/. Audíte me, magnátes, et omnes pópuli, et rectóres ecclésiæ, áuribus percípite. V/. Écoutez donc, grands du peuple, présidents de l’assemblée, prêtez l’oreille.
Allelúia, allelúia. V/. Ps. 32, 18 Ecce óculi Dómini super metuéntes eum : et in eis qui sperant super misericórdia eius. Allelúia. Allelúia, allelúia. V/. Dieu veille sur ceux qui le craignent, qui mettent leur espoir en son amour. Alléluia.
Post Septuagesimam, ommissis Allelúia et versu sequenti, dicitur Après la Septuagésime, on omet l’Alléluia et son verset et on dit :
Tractus. Ps. 33, 9 Trait
Gustáte, et videte quóniam suávis est Dóminus : beátus vir, qui sperat in eo. Goûtez et voyez : le Seigneur est bon ! Heureux qui trouve en lui son refuge !
V/. Prov. 16, 23 Cor sapientis erúdiet os eius : et lábiis eius addet grátiam. V/. Le cœur du sage rend sa bouche avisée et à ses lèvres il ajoutera la grâce.
V/. Ibid. 17, 27 Qui moderátur sermónes suos, doctus et prudens est : et pretiósi spíritus vir erudítus. V/. Qui retient ses paroles est sage et prudent : l’homme savant est d’un esprit précieux.
+ Sequéntia sancti Evangélii secundum Matthǽum. Suite du Saint Évangile selon saint Mathieu.
Mt 5, 13-19
In illo témpore : Dixit Iesus discípulis suis : Vos estis sal terræ. Quod si sal evanúerit, in quo saliétur ? Ad níhilum valet ultra, nisi ut mittátur foras, et conculcétur ab homínibus. Vos estis lux mundi. Non potest cívitas abscóndi supra montem pósita. Neque accéndunt lucérnam, et ponunt eam sub módio, sed super candelábrum, ut lúceat ómnibus qui in domo sunt. Sic lúceat lux vestra coram homínibus, ut vídeant ópera vestra bona, et gloríficent Patrem vestrum, qui in cælis est. Nolíte putáre, quóniam veni sólvere legem aut prophétas : non veni sólvere, sed adimplére. Amen, quippe dico vobis, donec tránseat cælum et terra, iota unum aut unus apex non præteríbit a lege, donec ómnia fiant. Qui ergo solvent unum de mandátis istis mínimis, et docúerit sic hómines, mínimus vocábitur in regno cælórum : qui autem fécerit et docúerit, hic magnus vocábitur in regno cælórum. En ce temps-là, Jésus dit à ses disciples : « Vous êtes le sel de la terre. Si le sel devient fade, avec quoi va-t-on le saler ? Il n’est plus bon à rien, sinon à être jeté dehors et piétiné par les hommes. Vous êtes la lumière du monde. Une ville ne peut être cachée, quand elle est située sur une montagne. Et lorsqu’on allume une lampe, on ne la met pas non plus sous un boisseau, mais sur le lampadaire, et elle brille pour tous ceux qui sont dans la maison. De même, que votre lumière brille devant les hommes, afin qu’ils voient vos bonnes œuvres, et glorifient votre Père qui est dans les cieux. Ne pensez pas que je sois venu pour abolir la Loi ou les Prophètes : Je ne suis pas venu pour abolir, mais pour accomplir. Car, en vérité, je vous le dis : avant que passent le ciel et la terre, la plus petite lettre, le plus petit trait, ne disparaîtra pas de la Loi » jusqu’à ce que tout soit réalisé. Celui donc qui violera un seul de ces commandements, même les plus petits, et qui enseignera aux hommes à faire de même, sera tenu pour le plus petit dans le Royaume des Cieux. Mais celui qui les pratiquera et les enseignera, celui-là sera tenu pour grand dans le Royaume des Cieux ».
Ant. ad Offertorium. Apoc. 2, 19 Offertoire
Novi ópera tua, et fidem, et caritátem tuam, et ministérium, et patiéntiam tuam, et ópera tua novíssima plura príóribus. Je connais tes œuvres, ta foi et ta charité, ton ministère et ta patience, et tes dernières œuvres surpassent les premières.
Secreta. Secrète
Per hanc salutárem hóstiam, quam offérimus tibi, Dómine, divíno illo Sancti Spíritus igne cor nostrum accénde, quo mitíssimum beáti Francísci ánimum mirabíliter inflammásti. Par cette hostie qui nous sauve et que nous vous offrons, Seigneur, allumez notre cœur de ce feu divin du Saint-Esprit avec lequel vous avez enflammé admirablement l’âme très douce du bienheureux François.
Præfatio propria ubi concessa est. Préface propre là où elle est concédée [1].
Ant. ad Communionem. 1 Cor 9, 22 Communion
Factus sum infírmis infírmus, ut infírmos lucrifácerem : ómnibus ómnia factus sum, ut omnes fácerem salvos. Je suis devenu faible avec les faibles, afin de gagner les faibles. Je me suis fait tout à tous, afin de les sauver tous.
Postcommunio. Postcommunion
Concéde, quǽsumus, omnípotens Deus : ut, per sacraménta quæ súmpsimus, beáti Francísci caritátem et mansuetúdinem imitántes in terris, glóriam quoque consequámur in cælis. Per Dóminum. Accordez-nous, nous vous le demandons, Dieu tout-puissant : par ce sacrement que nous avons reçu, qu’imitant sur cette terre la charité et la douceur du bienheureux François, nous parvenions aussi à la gloire dans les Cieux.

saint-françois de sales1.jpg

Office

 Leçons des Matines avant 1960

AU DEUXIÈME NOCTURNE.

Quatrième leçon. François naquit au château de Sales (d’où sa famille tire son nom), de parents nobles et vertueux, et donna dès ses plus tendres années, par son innocence et sa gravité, des indices de sa sainteté future. Encore adolescent, il fut instruit dans les sciences libérales ; bientôt après, il se rendit à Paris où il se livra à l’étude de la philosophie et de la théologie, et afin que rien ne manquât à la culture de son esprit, il obtint à Padoue, avec les plus grands éloges, les honneurs du doctorat en l’un et l’autre droit. François renouvela dans le sanctuaire de Lorette le vœu de perpétuelle virginité par lequel il s’était lié à Paris ; et il ne put jamais être détourné de la résolution qu’il avait prise au sujet de cette vertu, ni par aucun des artifices du démon, ni par les attraits des sens.

Cinquième leçon. Ayant refusé une grande dignité dans le sénat de Savoie, il s’enrôla dans la milice de la cléricature. Initié au sacerdoce et fait prévôt de l’Église de Genève, François remplit si parfaitement les devoirs de cette charge que Mgr de Granier, son Évêque, le destina pour travailler comme un héraut de la parole divine, à la conversion des calvinistes du Chablais et des autres confins du territoire de Genève. Il entreprit cette campagne d’un cœur joyeux, mais il eut à souffrir les plus dures épreuves ; souvent les hérétiques cherchèrent à lui donner la mort, ils le poursuivirent de diverses calomnies et lui dressèrent beaucoup d’embûches. Au milieu de tant de périls et de combats, on vit toujours briller son insurmontable constance ; et l’on rapporte qu’aidé du secours de Dieu, il ramena à la foi catholique soixante-douze mille hérétiques, parmi lesquels il y en avait beaucoup de distingués par leur noblesse et leur science.

Sixième leçon. Après la mort de Mgr de Granier, qui avait eu soin de se le faire donner pour coadjuteur, François, consacré Évêque, répandit tout autour de lui les rayons de sa sainteté, par son zèle pour la discipline ecclésiastique, son amour de la paix, sa miséricorde envers les pauvres, et se rendit remarquable en toutes sortes de vertus. Pour l’accroissement du culte divin, il institua un nouvel Ordre de religieuses, sous le nom de la Visitation de la bienheureuse Vierge Marie et sous la règle de saint Augustin, à laquelle il ajouta des constitutions admirables de sagesse, de discrétion et de douceur. Il a aussi illustré l’Église par des écrits remplis d’une doctrine céleste, où il indique un chemin sûr et facile pour arriver à la perfection chrétienne. Enfin, âgé de cinquante-cinq ans, comme il retournait de France à Annecy, le jour de saint Jean l’Évangéliste, après avoir célébré la Messe à Lyon, il fut atteint d’une maladie grave, et, le lendemain, partit pour le ciel, l’an du Seigneur mil six cent vingt-deux. Son corps fut transporté à Annecy, et enseveli honorablement dans l’église dudit Ordre. Son tombeau commença aussitôt à être illustré par des miracles, dont le souverain Pontife Alexandre VII constata la vérité selon les règles. Il mit donc François au nombre des Saints en assignant pour sa Fête le vingt-neuvième jour de janvier, et le souverain Pontife Pie IX, après avoir pris l’avis de la Congrégation des Rites sacrés, l’a déclaré Docteur de l’Église universelle.

saint-françois de sales7.jpg

Dom Guéranger, l’Année Liturgique

Voici venir au berceau du doux Fils de Marie l’angélique évêque François de Sales, digne d’y occuper une place distinguée pour la suavité de sa vertu, l’aimable enfance de son cœur, l’humilité et la tendresse de son amour. Il arrive escorté de ses brillantes conquêtes : soixante-douze mille hérétiques soumis à l’Église par l’ascendant de sa charité ; un Ordre entier de servantes du Seigneur, conçu dans son amour, réalisé par son génie céleste ; tant de milliers d’âmes conquises à la piété par ses enseignements aussi sûrs que miséricordieux, qui lui ont mérité le titre de Docteur.

Dieu le donna à son Église pour la consoler des blasphèmes de l’hérésie qui allait prêchant que la foi romaine était stérile pour la charité ; il plaça ce vrai ministre évangélique en face des âpres sectateurs de Calvin ; et l’ardeur de la charité de François de Sales fondit la glace de ces cœurs obstinés. Si vous avez des hérétiques à convaincre, disait le savant cardinal du Perron, vous pouvez me les envoyer ; si vous en avez à convertir, adressez-les à M. de Genève.

François de Sales parut donc, au milieu de son siècle, comme une vivante image du Christ ouvrant ses bras et convoquant les pécheurs à la pénitence, les errants à la vérité, les justes au progrès vers Dieu, tous à la confiance et à l’amour. L’Esprit divin s’était reposé sur lui dans sa force et dans sa douceur : c’est pourquoi, en ces jours où nous avons célébré la descente de cet Esprit sur le Verbe incarné au milieu des eaux du Jourdain, nous ne saurions oublier une relation touchante de notre admirable Pontife avec son divin Chef. Un jour de la Pentecôte, à Annecy, François était debout à l’autel, offrant l’auguste Sacrifice ; tout à coup une colombe qu’on avait introduite dans la Cathédrale, effrayée des chants et de la multitude du peuple, après avoir voltigé longtemps, vint, à la grande émotion des fidèles, se reposer sur la tête du saint Évêque : symbole touchant de la douceur de l’amour de François, comme le globe de feu qui parut, au milieu des Mystères sacrés, au-dessus de la tête du grand saint Martin, désignait l’ardeur du feu qui dévorait le cœur de l’Apôtre des Gaules.

Une autre fois, en la Fête de la Nativité de Notre-Dame, François officiait aux Vêpres, dans la Collégiale d’Annecy. Il était assis sur un trône dont les sculptures représentaient cet Arbre prophétique de Jessé, qui a produit, selon l’oracle d’Isaïe, la branche virginale, d’où est sortie la fleur divine sur laquelle s’est reposé l’Esprit d’amour. On était occupé au chant des Psaumes, lorsque, par une fente du vitrail du chœur, du côté de l’Épître, une colombe pénètre dans l’Église. Après avoir voleté quelque temps, de l’historien, elle vint se poser sur l’épaule du saint Évêque, et de là sur ses genoux, d’où les ministres assistants la prirent. Après les Vêpres, François, jaloux d’écarter de lui l’application favorable que ce symbole inspirait naturellement à son peuple, monta en chaire, et s’empressa d’éloigner toute idée d’une faveur céleste qui lui eût été personnelle, en célébrant Marie qui, pleine de la grâce de l’Esprit-Saint, a mérité d’être appelée la colombe toute belle, en laquelle il n’y a pas une tache.

Quand on cherche parmi les disciples du Sauveur le type de sainteté qui fut départi à notre admirable Prélat, l’esprit et le cœur ont tout aussitôt nommé Jean, le disciple bien-aimé. François de Sales est comme lui l’Apôtre de la charité ; et la simplesse du grand Évangéliste pressant un innocent oiseau dans ses mains vénérables, est la mère de cette gracieuse innocence qui reposait au cœur de l’Évêque de Genève. Jean, par sa seule vue, par le seul accent de sa voix, faisait aimer Jésus ; et les contemporains de François disaient : O Dieu ! si telle est la bonté de l’Évêque de Genève, quelle ne doit pas être la vôtre !

Ce rapport merveilleux entre l’ami du Christ et François de Sales se révéla encore au moment suprême, lorsque le jour même de saint Jean, après avoir célébré la sainte Messe et communié de sa main ses chères filles de la Visitation, il sentit cette défaillance qui devait amener pour son âme la délivrance des liens du corps. On s’empressa autour de lui ; mais déjà sa conversation n’était plus que dans le ciel. Ce fut le lendemain qu’il s’envola vers sa patrie, en la fête des saints Innocents, au milieu desquels il avait droit de reposer éternellement, pour la candeur et la simplicité de son âme. La place de François de Sales, sur le Cycle, était donc marquée en la compagnie de l’Ami du Sauveur, et de ces tendres victimes que l’Église compare à un gracieux bouquet d’innocentes roses ; et s’il a été impossible de placer sa mémoire à l’anniversaire de sa sortie de ce monde, parce que ces deux jours sont occupés par la solennité de saint Jean et celle des Enfants de Bethlehem, du moins la sainte Église a-t-elle pu encore placer sa fête dans l’intervalle des quarante jours consacrés à honorer la Naissance de l’Emmanuel.

C’est donc à cet amant du Roi nouveau-né qu’il appartient de nous révéler les charmes de l’Enfant de la crèche. Nous chercherons la pensée de son cœur, pour en nourrir le nôtre, dans son admirable correspondance, où il rend avec tant de suavité les sentiments pieux qui débordaient de son cœur, en présence des mystères que nous célébrons.

Vers la fin de l’Avent 1619, il écrivait à une religieuse de la Visitation, pour l’engager à préparer son cœur à la venue de l’Époux céleste : « Ma très chère fille, voilà le tant petit aimable Jésus qui va naître en notre commémoration, ces fêtes-ci prochaines ; et puisqu’il naît pour nous visiter de la part de son Père éternel, et que les pasteurs et les rois le viendront réciproquement visiter au berceau, je crois, qu’il est le Père et l’Enfant tout ensemble de cette Sainte Marie de la Visitation.

« Or sus, caressez-le bien ; faites-lui bien l’hospitalité avec toutes nos sœurs, chantez-lui bien de beaux cantiques, et surtout adorez-le bien fortement et doucement, et en lui sa pauvreté, son humilité, son obéissance et sa douceur, à l’imitation de sa très sainte Mère et de saint Joseph ; et prenez-lui une de ses chères larmes, douce rosée du ciel, et la mettez sur votre cœur, afin qu’il n’ait jamais de tristesse que celle qui réjouit ce doux Enfant ; et quand vous lui recommanderez votre âme, recommandez-lui quant et quant la mienne, qui est certes toute vôtre.
« Je salue chèrement la chère troupe de nos sœurs, que je regarde comme de simples bergères veillant sur leurs troupeaux, c’est-à-dire sur leurs affections ; qui, averties par l’Ange, vont faire l’hommage au divin Enfant, et pour gage de leur éternelle servitude, lui offrent le plus beau de leurs agneaux, qui est leur amour, sans réserve ni exception. »

La veille de la Naissance du Sauveur, saisi par avance des joies de la nuit qui va donner son Rédempteur à la terre, François s’épanche déjà avec sa fille de prédilection, Jeanne-Françoise de Chantal, et la convie à goûter avec lui les charmes de l’Enfant divin et à profiter de sa visite.

« Le grand petit Enfant de Bethlehem soit à jamais les délices et les amours de notre cœur, ma très chère mère, ma fille ! Hélas ! Comme il est beau, ce pauvre petit poupon ! Il me semble que je vois Salomon sur son grand trône d’ivoire, doré et ouvragé, qui n’eut point d’égal es royaumes, comme dit l’Écriture : et ce roi n’eut point de pair en gloire ni en magnificence. Mais j’aime cent fois mieux voir le cher enfançon en la crèche, que de voir tous les rois en leurs trônes.
« Mais si je le vois sur les genoux de sa sacrée Mère ou entre ses bras, ayant sa petite bouchette, comme un petit bouton de rose, attachée au lis de ses saintes mamelles, ô Dieu ! je le trouve plus magnifique en ce trône, non seulement que Salomon dans le sien d’ivoire, mais que jamais même ce Fils éternel du Père ne le fut au ciel ; car si bien le ciel a plus d’être visible, la Sainte Vierge a plus de perfections invisibles ; et une goutte du lait qui flue virginalement de ses sacrés sucherons, vaut mieux que toutes les affluences des cieux. Le grand saint Joseph nous fasse part de sa consolation, la souveraine Mère de son amour : et l’Enfant veuille à jamais répandre dans nos cœurs ses mérites !
« Je vous prie, reposez le plus doucement que vous pourrez auprès du petit céleste enfant : il ne laissera pas d’aimer votre cœur bien-aimé tel que vous l’avez, sans tendreté et sans sentiment. Voyez-vous pas qu’il reçoit l’haleine de ce gros bœuf et de cet âne qui n’ont sentiment ni mouvement quelconque ? Comment ne recevra-t-il pas les aspirations de notre pauvre cœur, lequel, quoique non tendrement pour le présent, solidement néanmoins et fermement, se sacrifie à ses pieds pour être à jamais serviteur inviolable du sien, et de celui de sa sainte Mère, et du grand gouverneur du petit Roi ? »

La nuit sacrée s’est écoulée, apportant avec elle la Paix aux hommes de bonne volonté ; François cherche encore le cœur de la fille que Jésus lui a confiée, pour y verser toutes les douceurs qu’il a goûtées dans la contemplation du mystère d’amour.

« Hé, vrai Jésus ! que cette nuit est douce, ma très chère fille ! Les cieux, chante l’Église, distillent de toutes parts le miel ; et moi, je pense que ces divins Anges, qui résonnent en l’air leur admirable cantique, viennent pour recueillir ce miel céleste sur les lis où il se trouve, sur la poitrine de la très douce Vierge et de saint Joseph. J’ai peur, ma chère fille, que ces divins Esprits ne se méprennent entre le lait qui sort des mamelles virginales, et le miel du ciel qui est abouché sur ces mamelles. Quelle douceur de voir le miel sucer le lait !
« Mais je vous prie, ma chère fille, ne suis-je pas si ambitieux que de penser que nos bons Anges, de vous et de moi, se trouvèrent en la chère troupe de musiciens célestes qui chantèrent en cette nuit ? O Dieu ! s’il leur plaisait d’entonner derechef, aux oreilles de notre cœur, cette même céleste chanson, quelle joie ! quelle jubilation ! Je les en supplie, afin que gloire soit au ciel, et en terre paix aux cœurs de bonne volonté.
« Revenant donc d’entre les sacrés Mystères, je donne ainsi le bonjour à ma chère fille : car je crois que les pasteurs encore, après avoir adoré le céleste poupon que le ciel même leur avait annoncé, se reposèrent un peu. Mais, ô Dieu ! que de suavité, comme je pense, à leur sommeil ! Il leur était avis qu’ils oyaient toujours la sacrée mélodie des Anges qui les avaient salués si excellemment de leur cantique, et qu’ils voyaient toujours le cher Enfant et la Mère qu’ils avaient visités.
« Que donnerions-nous à notre petit Roi, que nous n’ayons reçu de lui et de sa divine libérait lité ? Or sus, je lui donnerai donc, à la sainte Grand’Messe, la très uniquement fille bien-aimée qu’il m’a donnée. Hé ! Sauveur de nos âmes, rendez-la toute d’or en charité, toute de myrrhe en mortification, toute d’encens en oraison ; et puis recevez-la entre les bras de votre sainte protection ; et que votre cœur dise au sien : Je suis ton salut aux siècles des siècles. »

Parlant ailleurs à une autre épouse du Christ, il l’exhorte, en ces termes, à se nourrir de la douceur du nouveau-né :

« Que jamais votre âme, comme une abeille mystique, n’abandonne ce cher petit Roi, et qu’elle fasse son miel autour de lui, en lui, et pour lui ; et qu’elle le prenne sur lui, duquel les lèvres sont toutes détrempées de grâce, et sur lesquelles, bien plus heureusement que l’on ne vit sur celles de saint Ambroise, les saintes avettes, amassées en essaim, font leurs doux et gracieux ouvrages. »

Mais il faut bien s’arrêter ; écoutons cependant encore une dernière fois notre séraphique Pontife nous raconter les charmes du très saint Nom de Jésus, imposé au Sauveur dans les douleurs de la Circoncision ; il écrit encore à sa sainte coopératrice : « O Jésus, remplissez notre cœur du baume sacré de votre Nom divin, afin que la suavité de son odeur se dilate en tous nos sens, et se répande en toutes nos actions. Mais pour rendre ce cœur capable de recevoir une si douce liqueur, circoncisez-le, et retranchez d’icelui tout ce qui peut être désagréable à vos saints yeux. O Nom glorieux ! que la bouche du Père céleste a nommé éternellement, soyez à jamais la superscription de notre âme, afin que, comme vous êtes Sauveur, elle soit éternellement sauvée ! O Vierge sainte, qui, la première de toute la nature humaine, avez prononcé ce Nom de salut, inspirez-nous la façon de le prononcer ainsi qu’il est convenable, afin que tout respire en nous le salut que votre ventre nous a porté.
« Ma très chère fille, il fallait écrire la première lettre de cette année à Notre-Seigneur et à Notre-Dame ; et voici la seconde par laquelle, ô ma fille, je vous donne le bon an, et dédie notre cœur à la divine bonté. Que puissions-nous tellement vivre cette année, qu’elle nous serve de fondement pour l’année éternelle ! Du moins ce matin, sur le réveil, j’ai crié à vos oreilles : vive Jésus ! et eusse bien voulu épandre cette huile sacrée sur toute la face de la terre.
« Quand un baume est bien fermé dans une fiole, nul ne sait discerner quelle liqueur c’est, sinon celui qui l’y a mise ; mais quand on a ouvert la fiole, et qu’on en a répandu quelques gouttes, chacun dit : C’est du baume. Ma chère fille, notre cher petit Jésus était tout plein du baume de salut ; mais on ne le connaissait pas jusqu’à tant qu’avec ce couteau doucement cruel on a ouvert sa divine chair ; et lors on a connu qu’il est tout baume et huile répandue, et que c’est le baume de salut. C’est pourquoi saint Joseph et Notre-Dame, puis tout le voisinage, commencent à crier : Jésus, qui signifie Sauveur.
« Plaise à ce divin poupon de tremper nos cœurs dans son sang, et les parfumer de son saint Nom, afin que les roses .des bons désirs que nous avons conçus, soient toutes pourprées de sa teinture, et toutes odorantes de son onguent ! »

Le Pape Alexandre VII voulut composer lui-même la Collecte pour l’Office et la Messe du saint Prélat [2].

Conquérant pacifique des âmes, Pontife aimé de Dieu et des hommes, nous célébrons en vous la douceur de notre Emmanuel. Ayant appris de lui à être doux et humble de cœur, vous avez, selon sa promesse, possédé la terre [3]. Rien ne vous a résisté : les sectaires les plus obstinés, les pécheurs les plus endurcis, les âmes les plus tièdes, tout a cédé aux charmes de votre parole et de vos exemples. Que nous aimons à vous contempler, auprès du berceau de l’Enfant qui vient nous aimer, mêlant votre gloire avec celle de Jean et des Innocents : Apôtre comme le premier, simple comme les fils de Rachel ! Fixez pour jamais notre cœur dans cette heureuse compagnie ; qu’il apprenne enfin que le joug de l’Emmanuel est doux, et son fardeau léger.

Réchauffez nos âmes au feu de votre charité ; soutenez en elles le désir de la perfection. Docteur des voies spirituelles, introduisez-nous dans cette Vie sainte dont vous avez tracé les lois ; ranimez dans nos cœurs l’amour du prochain, sans lequel nous ne pourrions espérer de posséder l’amour de Dieu ; initiez-nous au zèle que vous avez eu pour le salut des âmes ; enseignez-nous la patience et le pardon des injures, afin que nous nous aimions tous, non seulement de bouche et de parole, comme parle Jean votre modèle, mais en œuvre et en vérité [4]. Bénissez l’Église de la terre, au sein de laquelle votre souvenir est encore aussi présent que si vous veniez de la quitter pour celle du ciel ; car vous n’êtes plus seulement l’Évêque de Genève, mais l’objet de l’amour et de la confiance de l’univers entier.

Hâtez la conversion générale des sectateurs de l’hérésie Calviniste. Déjà vos prières ont avancé l’œuvre du retour ; et le Sacrifice de l’Agneau s’offre publiquement au sein même de Genève. Consommez au plus tôt le triomphe de l’Église-Mère. Extirpez du milieu de nous lès derniers restes de l’hérésie Jansénienne, qui se préparait à semer son ivraie dans la France, aux jours mêmes où le Seigneur vous retirait de ce monde. Purgez nos contrées des maximes et des habitudes dangereuses qu’elles ont héritées des temps malheureux où cette secte perverse triomphait dans son audace.

Bénissez de toute la tendresse de votre cœur paternel le saint Ordre que vous avez fondé, et que vous avez donné à Marie sous le titre de sa Visitation. Conservez-le dans l’état où il fait l’édification de l’Église ; donnez-lui accroissement, dirigez-le, afin que votre esprit se maintienne dans la famille dont vous êtes le père. Protégez l’Épiscopat dont vous êtes l’ornement et le modèle ; demandez à Dieu, pour son Église, des Pasteurs formés à votre école, embrasés de votre zèle, émules de votre sainteté. Enfin, souvenez-vous de la France, avec laquelle vous avez contracté des liens si étroits. Elle s’émut au bruit de vos vertus, elle convoita votre Apostolat, elle vous a donné votre plus fidèle coopératrice ; vous avez enrichi sa langue de vos admirables écrits ; c’est de son sein même que vous êtes parti pour aller à Dieu : du haut du ciel, regardez-la aussi comme votre patrie.

Laisser un commentaire